En quittant Erzurum nous rentrons dans une nouvelle Turquie. Voici quelques notes de mon journal :
  • 25 mai: Ici il y a une certaine présence militaire et les visages sont plus durs, plus fermés. On a eu aussi les premiers "Money ! Money !" de personnes qui demandent de l'argent et quelques caillous jetés par des gamins. Je ressens une agressivité latente chez beaucoup de jeunes que l'on croise.
  • 26 mai: Encore une longue journée de vélo dans ce Kurdistan, ces oubliés de la croissance Turque. La présence militaire se fait plus forte : on a eu un contrôle à un barrage et nous avons croisé quelques camps militaires avec mitraillettes lourdes et blindés. Les villages sont beaucoup plus miséreux qu'avant et les gamins moins gais. La Turquie est en guerre et nous traversons une de ces zones où les deux fléaux guerre et pauvreté s'entretiennent mutuellement
Pour rassurer tout le monde, nous sommes dans la partie Turque du Kurdistan la plus tranquille. Ca chauffe beaucoup plus vers la frontière Irakienne.


Les villages Kurdes ont des allures de bidonville.

Le 26 mai nous rencontrons deux autres voyageurs en vélo : Chris et Adam. Chris est Anglais et Adam Australien. Nous passons une bonne soirée ensemble à discuter.



Le lendemain nous décidons de continuer ensemble jusqu'à Dogubayazit qui se trouve à 30km de la frontière Iranienne. Nous y passerons la nuit dans un hôtel. Le passage de la frontière est prévu pour le 28.


Chris, Adam et Cédric devant le mont Ararat (5165).
Nous sommes arrivés la veille. J'étais complétement cuit et les deux nuits de récupération à l'hôtel vont me faire du bien.

Erzurum se trouve à 1950 mètres d'altitude et est connu pour ses 40 000 étudiants et sa station de ski ouverte 9 mois dans l'année ! Elle est malheureusement aussi connue comme centre de déportation et d'extermination lors du génocide Arménien (1915-1916: 1 million de morts).
Nous visitons la ville qui contient quelques vestiges historiques.



L'ecole coranique aux Minarets Jumeaux (Çifte Minareli Medrese)
qui date du XIIIe siècle de style seldjoukide.


L'ecole coranique Yakutiye (Yakutiye Medrese). Des deux minarets d'origine, seules subsistent la base de l'un et la partie inférieure de l'autre. Ce sont les Mongols qui l'ont érigée en 1310, mais l'influence des Turcs seldjoukides, leurs prédécesseurs, se remarque dans l'architecture, notamment au niveau du portail et de sa décoration.

Le portail de l'Ecole coranique Yakutiye

J'allais oublier ! Je me suis coupé les cheveux à Erzurum. Fallait que je gagne du poids :-)


Avant et après. Ouı, moi aussı ca m'a fait bizarre...
Les trois journées se ressemblent beaucoup avec chaque jour le passage d'un col, une bonne descente et pas mal de kilomètres parcourus. On fait 3550 mètres de dénivelé pendant ces trois jours et 240 kms. Je suis très fatigué. Cédric de son coté trouve que je fais trop de pauses, qu'il attend trop longtemps en haut des cols, que je n'avance pas assez vite. Bref il a du mal à s'adapter à mon rythme qui ne lui convient pas. Évidemment, pour avancer autant, alors que je n'ai pas pu faire de sport pendant 1 mois 1/2, je donne tout ce que j'ai. Je finis les cols à la volonté.
Après une discussion on décide de passer deux nuits à Erzurum à l'hôtel ce qui me permettra de récupérer.

Un petit mot sur les turcs toujours aussi accueillant...
Ici le voyageur est plus considéré comme un hôte que comme un touriste. On nous propose plusieurs fois par jour de boire le thé, on nous offre des gâteaux, on nous souhaite la bienvenue. Si on recherche un endroit il y aura toujours un Turc pour prendre de son temps pour nous aider à trouver ce que l'on cherche. Tout cela sans arrières pensées. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre d'eux.

La Turquie est un pays très montagneux.

Le paysage est superbe mais le temps ...

... nous offre au moins une averse par jour.

Cédric ne s'est pas posé depuis 8 jours et a besoin d'un break. On fait une mini étape de 30 km afin de sortir de Trabzon et on se pose dans le premier camping venu (ils sont rares en Turquie).

Le lendemain on part visiter le monastère orthodoxe de Sumela. On monte les 600 mètres de dénivelé en vélo.


Exactement ce que je pense pendant la montée.


La récompense

L'intérieur du monastère

Après la descente on passe l'après-midi à bricoler les vélos, faire la sieste, etc... Le vrai départ commencera le lendemain direction l'Iran.
Et ouı me revoilà en balade en vélo à travers le monde.

J'ai rejoins Cédrıc à Trabzon en Turquie le 17 maı à 1h du matin. Cédric m'attendaıt à la sortie de l'aéroport. Il venait de marcher 20 bornes en poussant/portant son vélo dont la jante à éclaté.

Il m'annoncé qu'on n'a pas trop d'endroıts où dormir alors ıl me propose la station service à 500 mètres où ıl a posé ses affaires. Arrivés à la station les employés nous saluent et nous offrent un café.
Apres avoir brıcolé nos vélos jusqu'a 4h du matin je suggère à Cédric qu'il faudrait peut-être qu'on dorme un peu. La nuit sera courte, on se lève à 7h.

Le matin pendant le petit déjeuner on sympatise avec de jeunes turcs et nous revoilà à 5 à discuter dans une sorte d'anglais autour de la mini cafetière de Cédric. Ali, qui nous avait déjà offert des pains pour le petit déjeuner, nous propose de nous aider à trouver l'ambassade d'Iran. On suit sa moto jusque l'ambassade et une fois arrivés, il nous déclare qu'il nous invite ce soir. Il se montrera très généreux en nous offrant aussi le repas et nous proposant de nous mettre à l'aise, de prendre un bain, de nous servir à boire ...
La soırée se passe avec Alı quı a une envie folle de communıquer. Le petıt problème c'est qu'ıl ne parle que Turc. Devant nos yeux ahurıs face à telle ou telle explıcatıon en Turc ıl se lance dans des mımes effrénés. Il court. Il gestıcule. Il faıt des bruıitages. Pendant ce temps-là, Cédrıc et moı spéculons sur la sıgnıfıcatıon du mıme. Pour complıquer les choses Alı aıme passer du coq à l'âne. Quand on commence plus ou moıns à devıner le sujet du moment (l'Iran, l'empereur Justınıen, Ataturk, ses parents à Francfort, la machıne à laver...), ıl le change! En tout cas ıl nous a bıen faıt marrer avec ses mımes.

Nuıt merveılleuse dans de bons lıts moelleux. Le matın on est tranquılle en traın de dıscuter en attendant qu'Alı se manıfeste. On s'ımagıne prendre le temps. On est bıen là. Alı rentre et nous annonce (avec des mımes moıns amples que la veılle) que son grand-père est mort cette nuıt, que ses parents sont rentrés d'Allemagne et qu'ıl faut qu'on parte. 10 mınutes plus tard nous voıla avec nos vélos dehors. L'archetype de ce genre de voyage : on ne saıt jamaıs ce qu'il va se passer.

Alı à droıte de Cedrıc

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